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Capture & Release – ONG environnementale basée en Guadeloupe, engagée pour la faune marine et les espèces menacées des Antill

Ralentir en bateau, c’est protéger le lamantin des Antilles… et se donner une chance de l’observer

# Le 28 Août 2025

Taicaraya dans les sargasses. Photo: Valérie Gueit.
Taicaraya dans les sargasses. Photo: Valérie Gueit.

Taicaraya, une femelle lamantin, a été observée pour la dernière fois le 31 juillet dans la commune du Moule, en Guadeloupe. Depuis, malgré nos efforts quotidiens sur le terrain et des recherches menées par d’autres organismes en drone, bateau et ULM, elle n’a pas été revue. Des témoignages citoyens suggèrent sa présence dans le Grand Cul-de-Sac Marin, mais sans confirmation visuelle.


Que signifie cette absence ?

Un lamantin peut parcourir plusieurs dizaines de kilomètres par jour. Taicaraya pourrait donc se trouver n’importe où autour de l’archipel de la Guadeloupe, ce qui rend son suivi complexe. Comme tous les lamantins, elle se déplace probablement le long des côtes, à la recherche de zones d’herbiers pour se nourrir et de sources d’eau douce pour boire.


Taicaraya dans les eaux littorales en Guadeloupe. Photo : Valérie Gueit.
Taicaraya dans les eaux littorales en Guadeloupe. Photo : Valérie Gueit.

⚠️ Les bateaux : principal danger

Dans les régions où la navigation est dense, les collisions représentent l’une des premières causes de mortalité des lamantins. En Floride, elles sont responsables d’environ 25 % des décès.


Pourquoi les lamantins sont-ils si vulnérables ?

  • Leur anatomie : leurs poumons, longs et plats, sont situés le long de la colonne vertébrale et protégés par les côtes. Lors d’une collision, ce sont souvent les fractures de côtes qui entraînent ensuite des lésions internes fatales.

  • Leur mode de vie : ils fréquentent des eaux peu profondes et passent beaucoup de temps en surface ou juste en dessous.


Toutes les collisions ne sont pas mortelles. La différence se joue surtout sur la vitesse des bateaux. Les chocs à grande vitesse sont souvent fatals, tandis que ceux à basse vitesse laissent des cicatrices.



Des cicatrices qui deviennent des “empreintes digitales”

Les blessures causées par les hélices marquent presque tous les lamantins en Floride. Seuls 4 % des individus n’en portent pas. Les chercheurs utilisent aujourd’hui ces cicatrices comme outil d’identification individuelle : chaque motif est unique et permet de suivre un lamantin tout au long de sa vie. Mais ces marques sont aussi la preuve que presque aucun lamantin n’échappe aux collisions : une carcasse adulte sur quatre en Floride présentait des traces d’au moins dix accidents.


Lamantins de Floride à Crystal River. Photo: Geoffrey Nicolas, GBP.
Lamantins de Floride à Crystal River. Photo: Geoffrey Nicolas, GBP.

Comprendre les risques liés au bruit

Les lamantins ne sont pas indifférents aux bateaux : ils cherchent à les éviter et se déplacent vers des eaux plus profondes lorsqu’ils entendent un moteur.

Cependant, ils ont plus de difficultés à percevoir un bateau arrivant par l’arrière. Leur anatomie limite la rotation de la tête (ils n’ont que six vertèbres cervicales, au lieu de sept comme la plupart des mammifères), ce qui complique la localisation du son.

De plus, le bruit ambiant joue un rôle majeur.

  • Dans des conditions calmes, un bateau rapide peut être entendu 27 secondes avant l’impact.

  • En zone bruyante, ce délai peut chuter à 5 secondes seulement.

  • Les bateaux plus lents offrent un temps de réaction bien plus long, augmentant les chances de survie des lamantins.


    Crystal River en Floride, un habitat urbain des nombreux lamantins qui migrent ici en hiver pour retrouver les sources naturelles d'eaux chaudes. Photo: Geoffrey Nicolas, GBP.
    Crystal River en Floride, un habitat urbain des nombreux lamantins qui migrent ici en hiver pour retrouver les sources naturelles d'eaux chaudes. Photo: Geoffrey Nicolas, GBP.

Dans la Caraïbe, un signal d’alerte

Au Belize, où vit une des plus grandes populations de lamantins des Caraïbes, l’augmentation du trafic maritime depuis 2010 inquiète les scientifiques. Le développement rapide du tourisme, avec davantage de croisières et d’activités nautiques, se concentre précisément dans les zones où les lamantins se nourrissent et se reposent.

Les conséquences sont visibles : de plus en plus d’individus portent des cicatrices causées par les hélices de bateaux. Dans la baie de Chetumal, à la frontière entre le Belize et le Mexique, 3 lamantins sur 9 examinés en 2021 présentaient des mutilations ou coupures sur la queue. L’année suivante, sur la côte sud de Quintana Roo, 13 lamantins sur 105 identifiés par photo (soit plus de 12 %) montraient des blessures d’hélices.

Ces chiffres traduisent une réalité alarmante : l’augmentation du trafic maritime met en péril non seulement la survie de la population du Belize, mais aussi celle des lamantins voisins du Mexique et du Guatemala.


Des bénévoles du centre des soins au Belize nourrissent au biberon des lamantins orphelins qui ont perdu leur mère, probablement dans un accident de bateau. Photo: Geoffrey Nicolas, GBP.
Des bénévoles du centre des soins au Belize nourrissent au biberon des lamantins orphelins qui ont perdu leur mère, probablement dans un accident de bateau. Photo: Geoffrey Nicolas, GBP.

Lamantins et zones urbaines : une cohabitation possible

Peut-on encore espérer un avenir pour les lamantins dans des zones proches de l'activité humaine ? La réponse est oui. La cohabitation est possible, à condition de respecter quelques règles simples.


La clé, c’est l’adaptation des comportements humains :

  • réduction de la vitesse des bateaux,

  • respect des zones de protection,

  • vigilance accrue des plaisanciers.


Ainsi, tout en continuant à profiter de la mer, des loisirs nautiques et de la beauté des côtes, il est possible de donner aux lamantins les meilleures chances de survie et d’intégration dans nos écosystèmes.

Accueillir Taicaraya et, à long terme, espérer le retour des lamantins en Guadeloupe, ne signifie donc pas restreindre notre liberté, mais apprendre à partager intelligemment l’espace marin.


Sanctuaire des lamantins à Chetumal au Mexique, espace où ces mammifères marins sont protégés. Photo: Geoffrey Nicolas, GBP.
Sanctuaire des lamantins à Chetumal au Mexique, espace où ces mammifères marins sont protégés. Photo: Geoffrey Nicolas, GBP.


Taicaraya dans le port du Moule en Guadeloupe. Photo: Valérie Gueit.
Taicaraya dans le port du Moule en Guadeloupe. Photo: Valérie Gueit.

Le cas de Taicaraya

Orpheline retrouvée à Porto Rico, Taicaraya a été relâchée après plusieurs années de réhabilitation. En 2025, elle a parcouru plus de 500 km pour rejoindre la Guadeloupe, un voyage exceptionnel pour un lamantin dans la Caraïbe. Mais ayant vécu en captivité, sa curiosité et son inexpérience la rendent particulièrement vulnérable.






Que faire pour la protéger ?

  • Respecter les limitations de vitesse : 5 nœuds jusqu’à 300 m des côtes.

  • Rester attentif aux indices visuels : souffle, dos, remous discret.

  • Porter des lunettes polarisées pour mieux repérer les animaux en surface.

  • 🚫 Ne jamais approcher volontairement un lamantin.


En cas d’observation

Contactez le Sanctuaire AGOA ➝ 06 96 33 19 15 (si possible, prenez une photo ou vidéo sans approcher l’animal dans l’eau).


En respectant les lamantins et leur environnement, nous permettons à Taicaraya de vivre librement et donnons à toute une espèce une chance de survivre dans nos eaux.


Sources:

UICN Liste Rouge : Trichechus manatus ssp. manatus

Holly H. Edwards et al., 2016, 'Influence of Manatees' Diving on Their Risk of Collision with Watercraft'

CG Galves et al., 2023, 'Increasing mortality of Endangered Antillean manatees Trichechus manatus manatus due to watercraft collisions in Belize'

Gaspard III J.C. et al, 2012, 'Audiogram and auditory critical ratios of two Florida manatees (Trichechus manatus latirostris)'

Rycyk, A.M. et al., 2018, 'Manatee behavioral response to boats'

Rycyk A.M. et al., 2022, 'The influence of variations in background noise on Florida manatee (Trichechus manatus latirostris) detection of boat noise and vocalisations'

Basset B.L. et al., 2020, 'Quantifying sublethal Florida manatee-watercraft interactions by examining scars on manatee carcasses'



 
 
 

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